St Martin : mission d’expertise en post urgence

En septembre 2017, deux ouragans majeurs de catégorie 5, IRMA et MARIA, frappent les Antilles. Les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy sont particulièrement touchées, puis la Guadeloupe et la Martinique. Face à la détresse des populations durement frappées, la Fondation de France a déclenché une première mission de contact aà St Martin et lancé un appel à la solidarité nationale. Le 17 septembre, une deuxième mission est montée pour conduire une évaluation des dégâts et des besoins. A&D assure le volet "Habitat" avec deux experts architectes.



 France - 2017
 Ludovic Jonard (LinkedIn Amalle Gualleze

Contexte de l’intervention d’A&D :
La Fondation de France interviendra aux Antilles pour faciliter le retour à une vie quotidienne normale des personnes les plus fragilisées. Elle privilégiera les projets des associations qui aideront les familles à reconstruire leur vie - retrouver un toit et des biens d’équipement de base, reprendre une activité, …- et qui permettront à la communauté de reconstruire une vie sociale, associative et éducative. Elle soutiendra également les petits artisans dont l’outil de production a été détruit pour relancer leur activité économique.
La mission d’A&D est d’aider la Fondation à élaborer une stratégie d’intervention pour, dans un premier temps, soulager les sinistrés et réduire leur vulnérabilité, en attendant qu’une reconstruction durable devienne possible.

A St Martin, on relève d’emblée quelques enjeux à prendre en compte :

Enjeux sociaux :
La plupart des étrangers vivant à Saint-Martin sont originaires de la zone caraïbe (77 %), en particulier d’Haïti (47 %), mais aussi de la Dominique (16 %) et de République dominicaine (6 %). 16 % de la population étrangère est européenne, dont 7 % de Britanniques et 5 % de Néerlandais
Le nombre d’étrangers en situation irrégulière est de 5 000 à 8 000.

Les populations ciblées naturellement par la FdF sont déjà marginalisées et sorties du système de solidarité classique que l’on peut attendre de l’état français. D’autres sont en situation précaire, voir illégale.

Enjeux économiques :
Le PIB est inférieur de 39 % à la moyenne métropolitaine et de 21 % au PIB par habitant de Sint-Maarten.
L’agriculture est marginale et l’activité industrielle très limitée, l’économie est tournée principalement vers le tourisme.
St Martin subit un recul de la fréquentation touristique suite aux cyclones de 1999 et 2000, puis des attentats du 11 septembre 2001. Cette dernière catastrophe risque de sonner le glas de cette activité pour plusieurs années, supprimant de fait de nombreux emplois.
Le taux de chômage est estimé à environ 25 % de la population active.
Environ 3500 personnes sont allocataires du RSA.

Il est évident que les populations démunies à cibler n’ont pas eu les moyens de construire solidement leurs maisons et seront dans l’incapacité de reconstruire mieux et plus sûr sans une aide conséquente.

Enjeux sécuritaires :
Les taux de délinquance sont plutôt supérieurs à ceux observés en métropole, notamment dans les territoires de densité comparable ou dans les départements d’outre-mer. Cependant, la délinquance sur l’île se caractérise par l’importance des atteintes volontaires à la personne et des atteintes aux biens.
Certains quartiers (à cibler) sont réputés dangereux et seront de fait difficilement accessibles pour y travailler sans une véritable pédagogie d’intervention avec les habitants.

Enjeux normatifs :
Les normes constructives ne sont pas suivies. Les bâtiments publics ne sont pas épargnés par le non respect des règles de l’art. (Destruction de la préfecture, de l’hôpital et de la gendarmerie)
Les plus démunis seront dans l’incapacité de construire aux normes (qu’elles soient anciennes ou nouvelles). Il faudra proposer/ négocier un compromis acceptable, fondé sur une diminution de la vulnérabilité et non sur un critère anticyclonique théorique.

Enjeux de gouvernance urbaine :
La loi prévoit l’institution de conseils de quartier dont la composition, la dénomination et les modalités de fonctionnement sont fixées par le conseil territorial. Ces instances peuvent être consultées par le président de l’organe délibérant de la collectivité, avant toute délibération applicable dans le périmètre du quartier qu’elles représentent et relative à : l’établissement, la révision ou la modification du plan local d’urbanisme ; un projet d’opération d’aménagement ; l’implantation et le programme d’aménagement des équipements de proximité, définis comme les équipements à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive et d’information de la vie locale.

La question de la maitrise d’ouvrage publique et la capacité de d’auto-promotion va très vite émerger, avec les décalages entre les préconisations de papier (plan des risques, règlement, implantation, etc..) et les pratiques d’aménagement ou de construction de fait.

Enjeux fonciers :

Le cadastre (incomplet) ne permet ni de garantir la propriété des biens fonciers (bâtis ou non bâtis), ni de disposer de leur valorisation immobilière.
Dans l’hypothèse souhaitable d’une reconstruction in situ, il existe un risque d’insécurité foncière ou d’obligation de relocalisation pour cause de remise à jour des registres ou d’urbanisme volontariste.

Enjeux de gouvernance :

Saint-Martin est passé du statut de commune de Guadeloupe à celui d’une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie. Sa gouvernance repose sur trois piliers : Le conseil territorial, le conseil exécutif et le conseil économique, social et culturel. De fait, cette collectivité cumule les compétences de la commune, du département et de la région, ainsi que celles du conseil général et du conseil régional. Cette particularité va probablement impacter sur la capacité de planification et de mise en œuvre des projets de reconstruction.

Le contrôle et la reconnaissance des lieux habités ou reconstruits, de l’éligibilité de l’aide publique va conditionner la possibilité d’agir et d’aider les plus marginalisés, avec un rapport de force entre la collectivité et l’état dont les acteurs sociaux seront les arbitres.

Enjeux climatiques :

Saint- Martin est une île sèche : l’eau potable ne peut être obtenue que par la désalinisation de l’eau de mer, dont le coût est élevé.
La zone est très exposée aux cyclones, et aux séismes.
La montée des eaux est inéluctable, certaines zones vont devenir inhabitables.
Les infrastructures ne sont pas dimensionnées pour ces aléas.

La reconstruction doit inclure un volet social et environnemental fort : « Build Back Better, Safer and Greener » et doit etre une opportunité de réduire les inégalités face aux aléas climatiques dans un projet de développement intégré, élaboré dans le consensus avec les habitants.

Mode opérationnel

1. Collecte d’informations, interaction avec les parties prenantes
2. Identification des dégâts (catégorisation)
3. Localisation des zones les plus affectées et zones possibles d’intervention (mapping)
4. Estimation des besoins en appui technique (caractérisation des niveaux techniques)
5. Analyse des options possibles d’intervention (montage institutionnel, organisationnel, technique , RH)

Résultats

base de données des maisons endommagées avec geolocalisation
estimation des dégâts,
typologie des sinistres
élaboration de scenario d’intervention

Mots-clés

Risques Climatiques  Reconstruction Post-Crise  Étude-Audit-Evaluation  Assistance à la Maitrise d’Ouvrage



Documents joints