Si la société est par définition : État de vie collective ; mode d’existence caractérisé par la vie en groupe ; milieu dans lequel se développent la culture et la civilisation, c’est une complexité que le voyage dans le cadre de la pratique du projet m’a permis de mieux appréhender.
Le voyage m’a servis à constituer une sorte de matrice référentielle à toutes réflexions architecturales et urbanistiques.
Etats des lieux
Depuis la décentralisation, Ngor est devenue commune d’arrondissement de Dakar. Située à la pointe occidentale de la presqu’île du Cap Vert, elle couvre une superficie de 4,5 km2. Limitée au nord-Est par la commune d’arrondissement de Yoff ; à l’est par le mur d’enceinte de l’aéroport Léopold Sédard Senghor ; au sud-est par la commune d’arrondissement de Ouakam ; et enfin au nord, à l’ouest et au sud par l’océan atlantique.
L’ensemble du territoire se décompose en trois entités bien distinctes.
D’une part le noyau villageois concentré sur le littoral nord, représentant 5 % de la superficie d’Ngor et absorbant 75% de la population totale estimée à 12000 habitants. Derrière ce centre, au sud s’étend une zone de terrain vague d’environ 30 hectares, puis encerclant ce périmètre jusqu’aux abords Est et Ouest du village, se déploie le territoire des ‘Almadies’, composé de quartiers résidentiels nantis, et des plus importantes infrastructures ho tellières du pays.
Il y a encore quarante ans Ngor faisait partie des zones rurales de Dakar, toute la zone des Almadies était couverte de champs d’arachide de mil, de soku. Il n’y eu pas de tracé de voies d’accès ni de découpage parcellaire à cette époque.Le village au fur et à mesure des années et de l’accroissement de la population a grandis sur lui-même. Aujourd’hui l’invasion de quartiers résidentiels paralyse le village.
On constate aujourd’hui une forte bipolarisation de la commune.Pour comprendre les causes d’un tel déséquilibre, il est forcé de reconnaître en premier lieu, que l’Etat n’a jamais fait d’efforts pour urbaniser la commune.
Par ailleurs, en 1964 les autorités traditionnelles du village ont refusé la loi supprimant les droits fonciers coutumiers.Le village d’ Ngor comme d’autres villages traditionnels de l’agglomération dakaroise, a poursuivi les attributions foncières supervisées par la hiérarchie politique traditionnelle.
En 1970 un arrêté accordait un régime particulier aux quartiers dits traditionnels pour aplanir les différents entre l’Etat et les propriétaire terriens lébous.
Le noyau central est resté non immatriculé donc domaine national. Il y est pratiqué jusqu’à ce jour une gestion foncière coutumière.En revanche,la zone périphérique du village,elle, présente une mosaïque de terrains à statut fonciers divers, ce qui engendra de fortes spéculations foncières.
En effet, en 1976, une lois fut votée concernant spécifiquement le remembrement des Almadies, conduisant l’Etat à confisquer les terres des populations du village pour les vendre à une certaine élite.
Alors de nombreux propriétaires terriens ont été expropriés, contraints de se replier sur le village. C’est la raison pour laquelle la question foncière reste un réel champ de bataille au sein de la commune.
Avec l’occupation progressive du territoire par les quartiers résidentiels, le village s’est retrouvé étouffé de toutes parts. Cette situation a induit de vives tensions. Pour les atténuer, les autorités administratives ont affecté une zone de désengorgement.
Ce périmètre d’extension, est destiné à desserrer l’étau qui progressivement étrangle le cœur urbain villageois, elle permettra de faire baisser la densité de population dans l’espace traditionnel du territoire municipal. Le village passerait alors d’une superficie de 0,24 km2 (5% du territoire) à 0,70 km2 soit 15% du territoire municipal.
Hypothèses
D’une part, on s’imagine bien que le centre urbain va se déplacer vers ce périmètre d’extension. D’ailleurs, ce dernier, qui est actuellement un terrain vague accueille déjà quelques équipements en son centre, la nouvelle mairie, le centre socio culturel,le nouveau marché .
D’autre part, cette zone va se lotir à long terme sur peut être dix à vingt ans. Puisque aucun programme de logement social n’a été mis en perspective, c’est aux villageois de faire construire leur habitat. Beaucoup n’ont pas les moyens de pouvoir entreprendre les travaux, et n’ont pas recours aux crédits auprès des banques. Certains ont déjà vendus leur parcelle, et l’on peut envisager qu’une nouvelle classe social, une classe moyenne issue de l’agglomération Dakaroise, va émergée.Ce qui pourrait être profitable, dans une certaine mesure, à la commune et favoriser une certaine mixité sociale.
De plus, la population d’ici dix à vingt ans atteindra plus du double de l’effectif actuel, soit plus de 20 000 habitants.
Toutefois, ce nouveau tissu d’extension qui prend la forme d’échiquier, est en rupture totale avec celui du village traditionnel. Il n’y a pas eu de composition pour créer une certaine mixité d’espaces ou d’activités.L’importance que revêtent les espaces publics, les places publiques dans l’organisation sociales et le maintien des relations entre les individus, n’a absolument pas été pris en compte.
Déjà finalisé, ce parcellaire d’extension est planifié de façon monofonctionnelle, destiné uniquement à l’habitat. Aucun espace de réserve n’a été prévu pour quelques autres activités.
Propositions
Au cours du voyage, j’ai donc pu établir une liste de sites potentiels à revitaliser, dans le cadre d’un développement durable de la commune
Mon choix s’est porté sur un bâtiment public, l’ancien marché d’ Ngor,qui revêt une importance tant dans la mémoire collective, que de part sa situation stratégique, situé à l’orée du village et compris dans le périmètre d’extension. Le marché alimentaire a été désaffecté mais aujourd’hui, il est réinvestit temporairement par quelques artisans menuisiers et commerçants.
La municipalité désirant soit détruire le bâtiment pour libérer de nouvelles parcelles d’habitation, soit le conserver mais n’ayant pas d’idées précise quant à sa reconversion ; de plus, une des contraintes émises étant d’inclure le projet dans le nouveau tissu d’extension ; Je propose donc de tenter d’utiliser l’existant en densifiant le lieu, dans une continuité avec l’écriture spatiale et culturelle du village, et d’inscrire les savoirs faire, les compétences, et le potentiel culturel, dans la création d’espaces de travail, de diffusion, et d’apprentissage.