Mohammad Bhola, l’un des doyens qui a donné son nom au village, m’invite chez-lui, une maison sur pilotis :
" Je suis le premier à être arrivé ici, il y a 30 ans. Ma famille et moi avons quitté le village parce qu’il n’y avait plus d’eau. Je me suis installé dans la région et j’ai continué à pêcher. Plus tard, les autres m’ont suivi. Aujourd’hui, même le poisson se fait rare. "
Dans la grande pièce, famille et amis, tous issus de la région de Keti Bandar, se sont rassemblés pour écouter et partager leurs témoignages, comme s’ils racontaient une histoire à relais qui traverse les générations. Sa fille, Sughra, âgée d’une trentaine d’années, est capitaine d’un bateau de pêche. Timide, elle ne me parle pas beaucoup. Gailo est pêcheur et musicien :
" J’ai encore de la famille à Keti Bandar. Là-bas, on y vit difficilement. Un camion-citerne distribue l’eau potable, qui est vendue au litre. Une eau pleine de bactéries. Ils aimeraient bien venir s’installer ici, mais pour cela il faut avoir un peu d’argent. "
Khatoo pêche avec son époux Ramzan. Dans sa jeunesse, elle fabriquait des filets de pêche, activité économique traditionnelle des femmes de la région. Mais depuis l’introduction du filet en nylon, qui est produit à l’extérieur de la communauté, elle doit gagner son pain autrement. Ses mains, frivoles, racontent des histoires de pêche :
" Jadis, la mer était généreuse. Aujourd’hui, il faut se rendre au large et y rester au moins une dizaine de jours. Ce sont les chalutiers qui ont tout pêché. Et il y a les autres, les nouveaux pêcheurs. Dans la région, tout le monde s’est converti à la pêche, parce qu’il n’y a plus rien d’autre à faire. "
La cousine de Mohammad Bhola, presque centenaire, se rappelle :
" Il y a 45 ou 50 ans, près de Keti Bandar, nous cultivions du riz, du blé, des fruits. Quand le débit du fleuve a diminué, la mer a envahi nos terres. "
Aujourd’hui dans son village natal, Halamero, il n’y a plus d’agriculture. Bohla Colony compte environ 500 habitants.